Un gymnase au centre d’Athènes

Plusieurs inscriptions hellénistiques associent la bibliothèque des éphèbes au Ptolemaion, un complexe gymnasial dont la localisation exacte reste sujette à débat.

Les gymnases d’Athènes à l’époque hellénistique

À l’époque classique, les sources littéraires font état de trois grands gymnases dévolus à l’éducation physique des éphèbes et des citoyens athéniens : l’Académie, le Lycée et le Cynosarges. Ces trois gymnases se trouvaient dans les faubourgs d’Athènes, en dehors des murs de la cité, l’Académie au nord le long de la dromos menant à Eleusis, le Lycée à l’est et le Cynosarges au sud. Au-delà de leurs installations athlétiques, les gymnases étaient des lieux de rencontre dont les colonnades attiraient les professeurs et c’est dans les environs de ces gymnases que s’établirent au IVe s. plusieurs écoles philosophiques fameuses. Les trois gymnases classiques maintinrent leurs fonctions et leur prestige à l’époque hellénistique, malgré plusieurs destructions, lors du siège d’Athènes par Philippe V en 200 av. J.-C. (Diodore 28.7 ; Tite Live 31.24.18) et lors du sac de Sylla en 86 av. J.-C. (Plutarque, Sylla 12).

Dans de la seconde moitié du IIIe siècle, apparurent deux nouveaux édifices gymnasiaux intra-muros, vraisemblablement voisins : le Ptolemaion et le Diogeneion. Ces deux complexes étaient étroitement associés à la formation des éphèbes pendant la basse époque hellénistique et la période impériale.

Où se trouvait le Ptolemaion d’Athènes ?

Les sources littéraires apportent quelques précisions sur la localisation du Ptolemaion, qui se trouvait au cœur même de la cité athénienne, près de l’agora et du sanctuaire de Thésée.


« Dans le gymnase qui n’est pas loin de l’agora et que l’on appelle gymnase de Ptolémée, du nom de celui qui l’a fait construire, il y a des Hermès en marbre qui sont à voir, ainsi qu’un portrait en bronze de Ptolémée. Se trouvent là aussi la statue de Juba de Libye et Chrysippe de Soles. Près du gymnase, il y a un sanctuaire de Thésée et des peintures représentant le combat des Athéniens contre les Amazones. »

ἐν δὲ τῷ γυμνασίῳ τῆς ἀγορᾶς ἀπέχοντι οὐ πολύ, Πτολεμαίου δὲ ἀπὸ τοῦ κατασκευασαμένου καλουμένῳ, λίθοι τέ εἰσιν Ἑρμαῖ θέας ἄξιοι καὶ εἰκὼν Πτολεμαίου χαλκῆ: καὶ ὅ τε Λίβυς Ἰόβας ἐνταῦθα κεῖται καὶ ὁ Χρύσιππος ὁ Σολεύς. πρὸς δὲ τῷ γυμνασίῳ Θησέως ἐστὶν ἱερόν: γραφαὶ δέ εἰσι πρὸς Ἀμαζόνας Ἀθηναῖοι μαχόμενοι.

Pausanias, 1, 17, 2 (trad. J. Pouilloux, Paris 1992)


À partir de cette description succincte du IIe s. ap. J.-C., les archéologues ont cherché à identifier l’emplacement du Ptolemaion. Deux hypothèses principales ont été proposées au fil des ans, restituant le gymnase au sud de l’agora classique ou, plus vraisemblablement, à l’est du marché romain.

Le Ptolemaion au sud de l’agora classique ...

Au cours du dégagement de l’agora classique, l’archéologue américain H. Thompson avait initialement proposé de reconnaître le Ptolemaion dans les nouvelles constructions du IIe s. av. J.-C. au sud de la place publique : nouveau « portique sud » entre l’Aiacheion classique et la voie des Panathénées, double « portique du milieu » parallèle, et « édifice est » reliant ces deux portiques. Ces trois constructions délimitaient un espace séparé de l’agora, juste en dehors des bornes limitant le secteur public à l’époque classique. Cette hypothèse a été reprise plus récemment par M. Torrelli et P. Marchetti, mais elle a été rejetée par la plupart des archéologues qui préfèrent associer une fonction mercantile ou judiciaire à cette « place sud ».

 

L'agora d'Athènes au Ier s. av. J.-C. (dessin A. Emery / NimRoD). Les portiques entourant la « place sud » ont été datés du courant du IIe s. av. J.-C. 

... ou à l’est du marché romain ?

La plupart des archéologues classiques considèrent cependant aujourd’hui que le Ptolemaion se trouvait à l’est du marché romain. C’est ce dernier que Pausanias désignerait comme « agora » dans sa description d’Athènes.

Plan du marché romain et des vestiges antiques à l'est de celui-ci (dessin A. Emery, adaptation G. Coqueugniot)

Plusieurs indices sont mis en avant pour renforcer cette hypothèse :

  • Une vaste terrasse plane permettait l’installation de la piste de course, longue d’un stade (un peu moins de 200 m).
  • De nombreuses inscriptions éphébiques et statues hermaïques de la fin du Ier av. J.-C. et de l’époque impériale ont été découvertes dans le rempart tardif et dans l’ancienne église Agios Dimitrios Katephoros.
  • Les éléments d’un long portique hellénistique, ainsi que des bancs et un bassin typique des palestres ont été mis au jour à l’est de la « tour des vents ».

Le marché romain vu de l'ouest (cl. G. Coqueugniot). À l'arrière-plan, l'horloge publique hellénistique ("tour des vents") et la façade à arcades du pseudo-agoranomion derrière lesquels se trouvait le Ptolemaion.

Stèles hermaïques du IIe et IIIe s. ap. J.-C. découvertes en remploi dans le secteur d'Agios Dimitrios Katephoris (Musée archéologique d'Athènes, cl. Sailko, wikimedia). Elles ont été dédiées par les cosmètes athéniens à leur sortie de charge.

Plusieurs restitutions de ce gymnase ont été proposées dans les années 1990-2000 à partir des vestiges épars mis au jour dans le secteur. Ainsi, S. G. Miller restitue le gymnase à l’est du marché romain. Le principal élément de ce gymnase était une piste de course orientée est-ouest. Elle était bordée par un portique le long de la rue derrière la façade à arcades souvent considérée comme l’agoranomion (office des magistrats responsables du marché). Elle se poursuivait vers l’est jusqu’à l’emplacement d’Agios Dimitrios Katephoros. Le Diogeneion parfois mentionné dans les inscriptions hellénistiques aurait été la palestre, une cour à péristyle faisant partie du gymnase de Ptolémée. La bibliothèque devait se trouver dans une ou plusieurs salles autour de cette palestre.

Pour E. Lippolis, le Ptolemaion se trouvait également dans le même secteur. Il en propose néanmoins une restitution différente, à partir des restes antiques découverts dans le quartier. Ainsi, il associe au gymnase les vestiges d’un vaste édifice du IIe siècle ap. J.-C., généralement considéré comme le Panthéon d’Hadrien. Selon lui, ces murs massifs seraient la façade reconstruite du complexe gymnasial, qui occupait deux vastes terrasses, entre le marché romain et le secteur de l’ancienne église Agios Dimitrios Katephoros.

La forte densité des constructions modernes dans le quartier de Plaka empêche aujourd’hui une exploration plus intensive des vestiges hellénistiques et romains de ce secteur, qui permettrait peut-être d’affiner la localisation du gymnase de Ptolémée et, peut-être, de retrouver les locaux de sa bibliothèque.


 

Bibliographie

  • Di Cesare R., 2015, ‘Lo Ptolemaion’, in E. Greco, S. Foresta, E. Gagliano (ed.),Topografia di Atene : sviluppo urbano e monumenti dalle origini al III secolo d.C. Tomo 5*, Athens, p. 749-751.
  • Lippolis E., 1995, ‘Tra il ginnasio di Tolomeo ed il Serapeion : la ricostruzione topografica di un quartiere monumentale di Atene’, Ostraka IV, p. 43-67.
  • Marchetti P., 2012, ‘Métamorphoses de l’agora d’Athènes à l’époque augustéenne’, in Cavalier, R. Descat, J. des Courtils (ed.), Basiliques et agoras de Grèce et d’Asie mineure, Bordeaux, p. 207-223.
  • Miller S. G., 1995, ‘Architecture as Evidence for the Identity of the Early Polis’, in H. Hansen (ed.), Sources for the Ancient Greek City-State. Symposium August, 24-27 1994. Acts of the Copenhagen Polis Centre vol. 2, Copenhagen, p. 201-244.
  • Thompson H. A., Wycherley R. E., 1972, The Agora of Athens. The History, Shape and Uses of an Ancient City Center, Princeton.
  • Torelli M., 1995, ‘L’immagine dell’ideologia augustea nell’agorà di Atene’, Ostraka IV, p. 9-31.

Auteur

Coqueugniot Gaëlle - mars 2018